Si le CHUM m'était conté...
L’histoire du CHUM a débuté en 1988 lorsqu’une « Commission d’enquête sur les services de santé et les services sociaux » (une autre…) a mentionné qu’il était nécessaire de « souligner la nécessité de fournir des orientations précises afin de rationaliser le développement des centres hospitaliers universitaires. » Phrase creuse qui a donné naissance au concept européen de super hôpital en terre québécoise. Puis vint l’acte de naissance du CHUM par ordonnance du Conseil des Ministres le 1er février 1995. Le CHUM a 14 ans. Il est en pleine crise d’adolescence. Depuis le début, le dossier ne cesse de tergiverser. On s’est même intéressé à la nomenclature des hôpitaux affiliés : s’agit-il de «campus» ou de «pavillons»? Puis ce fut évidemment le débat sur l’emplacement afin de regrouper les forces vives de la recherche et du traitement médical : Outremont ou St-Luc? Le stade olympique a même fait parti des alternatives.
Brièvement, et peut être même trop, on s’est interrogé sur la nécessité d’avoir deux hôpitaux universitaires dans la région de Montréal. Faut-il rappeler que Montréal n’a que l’envergure d’une ville américaine moyenne et qu’on est loin d’une mégalopole comme Paris, New York ou Los Angeles? Faut-il aussi souligner que les prévisions démographiques du Québec font état d’une baisse marquée de la population du Québec dans un avenir pas si lointain? Que dire du manque de ressources humaines criant dans le réseau de la santé et la désuétude des équipements médicaux qui font en sorte que nos blocs opératoires ne peuvent fonctionner à pleine capacité? Et pendant ce temps-là, les Gouvernements successifs à Québec cogitent et planchent sur deux hôpitaux universitaires à Montréal. Pathétique!
Le concept de deux hôpitaux universitaires pour une région de la taille de Montréal relève du ridicule. Depuis quand le Québec – pauvre province bénéficiaire de plus de 50% du régime d’assistance sociale du fédéral (péréquation) – peut jouer à l’arrogant et vivre au-dessus de ses moyens avec l’argent des autres Canadiens? L’argument le plus stupide est venu de ceux qui prétendent à une différence marquée au niveau de la culture de recherche entre McGill et Montréal, d’où l’impossibilité de cohabiter au sein du même hôpital universitaire. Ou de l’argument des séparatistes qui y voient un crime identitaire de travailler au sein d’une même institution à la fois en français et en anglais.
Peut-on tout simplement avoir les moyens de nos ambitions? À quoi bon espérer un CHUM qui deviendra un monstre de béton au centre-ville ou à Outremont quand nous n’aurons pas les moyens de le meubler convenablement en ressources humaines et en équipements? Un élément de réflexion à privilégier n’a pas fait l’objet de débat : celui d’un seul hôpital universitaire et bilingue opérant à l’endroit même où se construit actuellement le centre de santé de l’université McGill. Voilà une alternative qui pourrait mettre fin à toutes ces guéguerres trop typiques du monde francophone politique et médical. Depuis trop longtemps, l’establishment et le corporatisme ont dicté les politiques de santé des différents gouvernements à Québec. Aucun politicien n’a osé affronter la tempête et décider dans ce dossier qui fera du CHUM un autre stade olympique. Un seul hôpital universitaire, de concert avec deux universités prestigieuses et opérant dans la langue du patient. Une solution trop simple et qui fait peur aux politiciens sans envergure.
Stéphane Gendron